Qu'il est loin le temps ,ou je montais à la mine ,à ciel ouvert ,de bou-kadra,je dirais plutôt la montagne de fer;altitude 1750 mètres,accompagné de mon fidèle muletier Bouaziz,la brêle chargée de nourriture et d'eau potable ,qui montait le chemin raide et serpentant à flanc de montagne.
A la moindre pierre roulant sous ses sabots elle s'arrêtait,dressait ses oreilles ,frémissait de tout son corps,un souffle bruyant sortait de ses naseaux;puis repartait plus méfiante que jamais sur ce chemin qu'elle parcourait tous les jours ,un conseil si une brêle ou une mule ne veulent pas passer ,vous ne le faîtes pas c'est la chute assurée.
Nous étions à mi-hauteur quand le jour se levait.Nous arrivions devant le baraquement qui servait de bureau,occupé par un Anglais,tout de blanc vêtu et dont seul la tête ,les bras et les genoux étaient visibles.Je toquais ,au bout d'un certain temps ,toujours plus long au fil des jours me semblait-il ,une voix impérrieuse criait entrée.pendant ce temps Bouaziz gardait la brêle qui léchait de sa langue râpeuse la roche rouge .J'entrais ,j'attendais à 6 pas ,et au garde à vous,espérant un regard de l'homme tout puissant.Il se levait ,ouvrait le coffre,sortait dix détonateurs qu'il comptait plusieurs fois en disant 5 de sautés 5 au retour,je sortais en saluant,espérant un salut qui n'arrivait jamais.
cela tous les matins,sans qu'un seul trait de son visage trahisse quoi que se soit.
Je pensais (Ah ces Anglais !) qu'importe notre couleur nous étions des indigènes ,en fait pour lui des sous-hommes .
J'avais honte de son comportement ,pourtant n'était-il pas heureux d'avoir son thé préparé par son aide de camp?qui était aussi affecté à l'entretien des engrenages et d'une immense roue de bronze ,servant à descendre le minerai dans la vallée dans de grands godets.Toutes ces installations avaient été mises en place après la guerre par des prisonniers Allemands.
Je repartais vers le chantier avec mes détonateurs .Les mineurs avaient bourrés de pains de dynamite les trous fait dans la paroi,je distribuais un détonateur par trou,tout cela relié électriquement à la dynamo placé derrière un Wagonnet.Après le coup de trompe ,j'abaissais la poignée à crémaillère,chaque explosion découvrait des minéraux et je n'attendais pas que se dissipe la poussière pour glaner des cailloux ,ce qui faisait rire les (indigènes)Hé Boulahia (le sage qui porte la barbe)on a trouvé cela pour toi !!
La mine avançait par paliers de 15 mètres de haut.Une fois par mois ,une foreuse creusait sur 15 mètres d'épaisseur 3 trous ou l'on plaçait une tonne de dynamite .Le garde champêtre annonçait à grand renfort de cris et de roulements de tambour que l'explosion allait se produire;c'était toujours le premier mercredi du mois.Les gens qui avaient des fenêtres devaient les ouvrir,sinon plus de vitres par le souffle ?L'Anglais déclenchait ce tir le seul ou il se dérangeait ( Messieurs les Anglais tirez les premiers) puis il retournais derrière son bureau ,toujours aussi énigmatique.
Avec mes détonateurs ,mon muletier me suivait comme son ombre ,avec un fusil,car un(indigène) aurait pu s'intéresser de trop près aux détonateurs .Le soir je rendais les détonateurs non utilisés ,avec le même cérémonial.Puis nous prenions le chemin du retour,la brêle sans eau ni nourriture mais chargée de minéraux et de fossiles trouvés dans la montagne,nous devions accélérer le pas ,le soleil se couchant rapidement aussi vite qu'il se levait .En bas nous retrouvions la piste ,le camps de toile,le thé vert à la menthe brûlant ,la brêle retrouvait chèvres et dromadaires,et moi je partais pêcher le bar argenté dans l'oued proche.
Le thé vert ,bu près d'un feu de bouses de vache,annonçait le repas du soir,semoule,pois chiches,piments,dattes,galettes,lait de chamelle....
Le muletier était de cette tribu ,d'où mon choix.Sous la gitoune,nous dormions sur un lit d'alfa tressé avec puces en plus..Avant le jour mon Bouaziz me réveillait avec maintes politesses avec un bon café fraîchement torréfié ,et nous repartions ,pour une autre journée ................
Tous ces souvenirs en contemplant quelques pierres dans ma vitrine .............
Mehdi B.