Samedi 19 Décembre 2015
Notre Association a été fondée en 2006 pour les besoins d’un projet de sauvegarde d’un autre site paléontologique d’envergure sur la Commune de Saint-Witz (95) : la carrière de sablon du Guépelle. Elle s’est battue, avec l’appui du Conseil Général du Val d’Oise, du Conseil Régional d’Ile de France et de nombreux scientifiques (en particulier le Museum National d’Histoire Naturelle) pour acquérir la propriété des terrains et éviter son comblement en fin d’exploitation. Par ailleurs, l’AESSFG intervient également sur le projet de sauvegarde d’un site paléontologique majeur dans l’Oise (Cuise la Motte).
Aujourd’hui, l’AESSFG s’interroge sur le bien fondé de construire un complexe sportif de grande ampleur sur la Commune de Thiverval-Grignon dans les Yvelines, dans l’enceinte d’AgroParisTech, qui serait annoncée à la vente pour 300 M€.
Comme on peut déjà le lire dans la presse, ce lieu est en effet chargé d’histoire. Son château Louis XIII, son école d’agriculture, ses dépendances et ses jardins sont encore la propriété du Ministère de l’Agriculture. L’ensemble de ce domaine qui s’étale sur près de 500 hectares figure dans l’inventaire ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique). Ce que le grand public sait moins en revanche, c’est que ce lieu revêt d’autres intérêts beaucoup moins visibles pour le visiteur non averti.
L’enceinte de Thiverval-Grignon est aussi mondialement connue pour ses gisements fossilifères, datant du Lutétien (environ 45 millions d’années). Le plus célèbre est la fameuse falunière de l’Ecole d’agriculture qui a été étudiée par de grands paléontologues dont Lamarck et Cuvier. Il s’agit ni plus ni moins d’un fleuron mondial de la paléontologie, puisque ce véritable point chaud de la biodiversité fossile (terme qui désigne un point maximum en termes de nombre d’espèces fossiles), concentre près de 1200 espèces d’invertébrés marins. Les fossiles y sont aussi d’une qualité extraordinaire. D’autres affleurements (au moins cinq), historiquement connus de la littérature scientifique, sont présents sur le site et ont fait récemment l’objet d’une évaluation des différents niveaux présents et de leur étendue géographique. Cette évaluation fait ressortir plusieurs périmètres d’intérêt qui dépassent très largement les contours de la falunière historique : en réalité, ces périmètres concernent entre un quart et un tiers de la superficie totale de l’enceinte. Le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel d’Ile de France a récemment fait paraître une motion alertant sur l’intérêt scientifique du site.
On conçoit donc mal la compatibilité entre la préservation d’un tel patrimoine géologique et l’action des pelleteuses en prélude à « la construction d’un stade de 5000 places et d’un parking souterrain de 1000 places », comme on a pu le lire dans la presse.
Du fait de sa biodiversité exceptionnelle, ce lieu fait actuellement l’objet d’études scientifiques très importantes sur les impacts des changements climatiques en milieu marin. La mer lutétienne était une mer chaude et tropicale et ses témoins géologiques permettent des observations directes en lien avec les variations climatiques survenues pendant cette période de temps. Thiverval-Grignon, c’est une page paléo-historique de 8 millions d’années qui s’étale sous les yeux des scientifiques. Ces études scientifiques sont menées par des équipes pluridisciplinaires internationales.
Qu’adviendra t-il lorsque ce domaine sera vendu ? Est-il judicieux de choisir un tel lieu pour y bâtir 18 terrains de football, un parking de 1000 emplacements et un stade de 5000 places ? N’existe-t-il aucun autre lieu qui pourrait convenir sans impacter et, disons le clairement, détruire un patrimoine aussi prestigieux que le domaine de Thiverval-Grignon ?
Il ne s’agit pas ici de s’opposer par principe à un projet de cette nature, mais d’affirmer qu’un tel emplacement, aussi chargé de valeur patrimoniale, n’est absolument pas adapté. Il existe sans aucun doute d’autres opportunités en périphérie parisienne sans de tels enjeux patrimoniaux.
Le Ministère de l’Agriculture, mais aussi les acheteurs potentiels de ce domaine doivent pouvoir garantir la pérennité de l’ensemble du patrimoine qu’il contient et considérer l’ensemble comme quelque chose d’inestimable.
L’AESSFG considère aujourd’hui que réaffirmer, dans la presse, l’intérêt du patrimoine géologique du site à côté de son intérêt historique et agricole aiderait à garantir une telle pérennité.
Je reste bien entendu à votre disposition pour tout complément d’information.
Le Président de l’AESSFG,
Bernard PATTEDOIE